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La semaine dernière, par le plus grand des hasards, nous avons été invités à deux réceptions dans deux bâtiments symboliques de l’influence architecturale française en Argentine… tous deux construits par les mêmes architectes, Paul Pater et Louis Dubois.
Notre projet de vacances était de découvrir l’île des Caraïbes de manière itinérante… et autonome. Pour cela, pas d’autre choix que de recourir à une voiture de location. Nous n’avions pas voulu louer par internet, car plusieurs amis nous avaient fait part des arnaques existantes (location à des agences qui n’existent pas ; paiement de la location et pas de voiture une fois arrivés à La Havane…). Nous avions donc décidé de chercher une fois sur place. Nous avons vite compris que ce ne serait pas une mince affaire. Seules deux agences existent : Cubacar (Transtur) et Rex.
De fait, la seule que nous avons vue partout est Cubacar (Transtur). Face à un tel monopole (au bénéfice du gouvernement), évidemment, pas de négociation possible ! Là n’était pas le plus embêtant… ce qui, si, l’était vraiment est que les agences dans lesquelles nous entrions nous répondaient invariablement « Ah, non, nous n’avons pas de voiture libre et nous ne pouvons pas vous dire quand nous aurons ! ». Après de longues recherches, une agence nous répondit finalement qu’elle aurait peut-être une voiture en fin d’après-midi ; même son de cloche à l’hôtel Presidente de Vedado… Deux touches, il fallait bien que l’une d’elles fonctionne !
Finalement, nous rappelons dans l’après-midi la première agence. Une petite KIA est disponible… c’est une boîte à sardines, mais peu importe c’est mieux que rien ! Nous allons signer les papiers et hop, nous voilà équipés ! Et autant dire que nous sommes passés près de la berezina. Le lendemain matin, nous repassons à l’agence pour signer un autre contrat (il manquait un autre conducteur) et le gérant nous dit que nous avons eu de la chance. Peu après notre départ, un ordre du gouvernement réquisitionnait toutes les voitures de location de La Havane !
Et puisque nous en sommes au chapitre voiture, j’en profite pour vous raconter nos quelques anecdotes routières…
Ne pas oublier :
Des cyclistes, des vaches, des carrioles de tout type circulent sur l’autoroute
Les routes ne sont pas éclairées la nuit
En dehors de l’autoroute (la carretera central) dans un état correct, les autres routes réservent des surprises ! Elles gondolent (oui, oui), certaines sont pleines de trous, elles se transforment parfois en chemins de terre (à Baracoa ; nous avons mis 2H pour faire 30 km sur un route rocailleuse à souhait). De manière générale, l’entretien des routes est donc un mystère !
Des contrôles policiers peuvent se révéler particulièrement énervants…
Nous avons donc un peu tout testé ! Le plus « divertissant » ?
Une route de montagne prise un peu trop à vive allure… et le pare-choc arrière que l’on découvre au prochain arrêt brinquebalant, tandis que le pare-choc avant présente des chocs difficiles à masquer à la restitution de l’auto ! Hop, hop, Igor qui sait tout faire nous rafistole pare-choc arrière et nous allons déclarer le sinistre pour le pare-choc avant (seul moyen de ne pas payer la franchise !). Nous omettons avec la délicatesse notre vitesse sans doute un peu trop élevée sur les hauteurs de Trinidad !
A Baracoa, ce petit village de pêcheurs, tout à l’est de l’île, la seule anecdote vraiment déplaisante du voyage. Nous venons d’arriver et tentons de nous repérer. Nous suivons des vélos, quand soudain au détour d’un virage, deux flics nous demandent de nous arrêter.Devant nous, deux autres voitures de touristes sont arrêtés. Ca sent le traquenard… Et ça en est un ? Les policiers sont postés derrière un tournant où une flèche « tournez à droite » est dissimulée. Impossible de deviner qu’il est impossible d’aller tout droit. Et hop, 60 dollars d’amende ! Des flics intraitables, avec qui très rapidement, on n’a pas envie ni de plaisanter, ni de négocier. Ils nous donnent une facture que l’on doit aller régler dans un bureau du centre de Baracoa. Nous racontons l’histoire à la famille chez qui on s’installe pour la nuit. Ils tombent un peu des nues et nous disent que pour les locaux, l’amende est de 30 pesos cubanos (environ 60 fois moins).
Nous avons essayé de ne pas payer… Mais nous sommes fait rattraper à La Havane !
C’est la seule fois où nous avons vraiment eu affaire à des personnes extrêmement désagréables, et dont le but était semble-t-il de remplir des quotas d’amendes posées aux touristes !
Pour tout le reste, notre petite KIA a été d’une grande fiabilité et pourtant avec nos 1800 kms avalés, on ne l’a pas ménagée ! Elle aura été de toutes nos découvertes et toutes nos aventures !
Enfin, nous sommes installés. Pour nous rendre au centre historique, nous passons par le fameux boulevard maritime de La Havane : le Malecon… On imagine La Havane il y a 60 ans, à l’époque où toute la mafia américaine se rendait à Cuba pour des soirées de débauche bien connues, le Malecon devait résonner des cris de la fête permanente et des klaxons des corvettes triomphantes. Aujourd’hui, les vieux bâtiments coloniaux n’ont plus tous fière allure (mais nombreux sont-ils en rénovation), et ce sont les pêcheurs que l’on entend le plus !
Nous bifurquons bientôt vers l’intérieur de la ville... Dans les rues colorées de Centro Habana, les magnifiques demeures coloniales ressemblent à des princesses maltraitées… la pierre s’est depuis longtemps effritée, les belles moulures sont désormais en dents de scie, des fissures font craindre le pire, et justement à notre passage, un gros bloc de pierre s’effondre d’une terrasse ! La Havane a ses risques secrets. Conseil : évitez-y les trottoirs, marchez au milieu de la route ! Ici la vie fourmille, on se regroupe dans l’embrasure des portes, on s’interpelle depuis les balcons, on tape la discute autour du chariot du marchand de fruits…
Et voilà bientôt la place du Capitole et sa belle avenue de ramblas. S’ouvre alors l’autre Havane, celle des grands hôtels, des vieux palais, des forts et des églises séculaires. L’UNESCO a versé une fortune pour la rénovation du vieux centre grâce aux efforts de l’ « Historiador de la ciudad », Eusebio Leal Spengler, dont on retrouve le nom en maints endroits de la ville (le centre historique a été classé Patrimoine de l’UNESCO en 1982).
Bien sûr, il suffit souvent de sortir de l’une des rues principales pour que l’on retrouve des presque ruines et des tas de gravats ; des maisons qui ne tiennent qu’à un fil (enfin, à une poutre), habitées sans doute par des habitants funambules…
Partout en tout cas, le même soleil, la vie quotidienne pétrie au sel caraïbe. Dans des cages suspendues, des canaris, des perroquets et même des pigeons chantent… sans doute la chanson du peuple cubain, qui peine à pouvoir sortir son île.
Après avoir visité le musée de la Révolution, vibrant des idéaux du Castro des années 50 et du Che éternel, on passe devant le yacht Granma dans son blindage vitré. Sans doute, le seul yacht du monde considéré comme une relique, un objet sacré. C’est à son bord que Castro, Che Guevara, et le noyau dur des initiateurs de la Révolution ont débarqué à Cuba en 1959. Et bientôt mis fin au régime dictatorial de Battista.
Le musée –d’ailleurs très cher, les touristes n’arrêtent jamais de financer la « Révolution »- présente une scénographie des années 60… Peut-être bien que c’est le symbole même de l’île. La fameuse révolution s’est arrêtée dans les années 60 ; les décennies qui ont suivi n’ont porté aucun fruit. La faute à l’embargo, sans doute ; la faute au gouvernement sans doute aussi.
Dans une ruelle adjacente, nous achetons de l’eau à un kiosquier. On commence à parler… Son désenchantement s’écoule alors sans s’arrêter. « Les touristes paient 10 dollars l’entrée du musée… et les salariés eux gagnent 20 dollars par mois. C’est ça Cuba ! Des faux-semblants de révolution et un gouvernement qui s’en met plein les poches. Imaginez, la bouteille d’eau (d’1,5 l) produite ici-même à Cuba, est vendue à 2 CUC (2 dollars)…. Aux Cubains eux-mêmes. Voilà la révolution ».
Et en effet, on apprend vite que les Cubains ne boivent quasiment jamais d’eau minérale dont les coûts sont prohibitifs. Heureusement, bien sûr, l’eau courante est potable. Mais cette production industrielle locale faite pour les touristes reste malgré tout plus que surprenante.
Un soir, nous allons nous percher sur la terrasse de l’hôtel « Ambos mundos », lieu de prédilection d’Hemingway. Le soleil se couche sur ce Cuba que l’auteur du Vieil Homme et la mer adorait.
Monter dans le taxi de l’aéroport, parler au chauffeur : vous apprenez déjà quelques faits basiques dont vous aviez vent. Avoir une voiture à Cuba est tout à fait exceptionnel. À part les vieilles américaines des années 50, sans cesse réparées, cajolées, liftées, et les fameuses Moskvich soviétiques, symbole manifeste des relations entretenues longtemps entre Cuba et l’URSS, on ne voit ici que très peu d’auto. Très difficiles à importer du fait de l’embargo, les seules bagnoles qui rentrent ont un prix totalement prohibitif (par ex. 40 000$ pour une Kia qui ressemble à une coquille de noix ; c’est la voiture que nous louerons).
Vieille voiture américaine dans les rues de La Havane
Sans parler du prix de l’essence, environ 1,30$ le litre, alors que le salaire moyen se situe autour de 20$. Nous le verrons tout au long du voyage : les routes cubaines sont généralement désertes ! Circuler à l’intérieur de l’île par ses propres moyens est un luxe inouï.
De l’aéroport jusqu’au centre de la Havane, quelque chose retient toutefois notre attention : l’excellent entretien des abords des routes et des maisons environnantes. Et il ne s’agit pas là d’un entretien de « propagande ». Cuba est une île très bien entretenue, d’une part par les milliers de fonctionnaires qui s’occupent de bien nettoyer les routes, et d’autre part par la population qui semble prendre grand soin de ses biens. Ici, pas de décharges sauvages comme on peut les rencontrer dans de si nombreux pays dits du « tiers-monde ». En même temps, il est vrai que les biens étant rares, la problématique des emballages superflus n’existe pas.
Un espace vert à Vedado (La Havane)
Nous arrivons enfin à La Havane. Le taxi nous dépose aux pieds d’une casa particular qui nous a été recommandée par un Cubain russophone rencontré à l’aéroport José Marti. D’emblée, on se rend compte qu’il s’agit là d’un vrai business et non d’un simple « bed & breakfast » familial. Plusieurs personnes – qui semblent des employés –s’agitent (à faire la cuisine, à répondre au téléphone…). Bientôt on nous indique que ce soir, c’est une voisine qui nous mettra sa casa particular à disposition. Le lendemain, en revanche, nous devrons changer et aller dans un appartement de la propriétaire « initiale ». Cette dernière, Nuria, finit par surgir ; d’emblée elle cherche à nous vendre des cigares, des circuits organisés dans la ville, le tout en se dépilant la barbe devant nous !
Pas de conversation possible avec elle, mais déjà une impression : il existe une forte économie parallèle (mais déclarée) liée au tourisme. Quand on dit que le salaire moyen est de 20$, l’information est exacte, mais très nombreux sont les Cubains qui ont un autre travail généralement lié à la présence des touristes. Quand on sait que le prix moyen d’une chambre chez l’habitant à La Havane s’élève à 20-25 dollars (deux monnaies coexistent à Cuba : le Peso cubano – 1US$ = 25 pesos cubanos ; et le CUC pour les touristes, 1 US$ = 1 CUC), on voit l’apport significatif de revenus que cela représente ! Bien sûr, pas de quoi devenir le roi du pétrole, mais de quoi vivre un peu plus confortablement.
Ce qui étonne de fait, dans les casas particulares (toutes celles où nous avons été), c’est que les installations sanitaires sont généralement impeccables, la plupart sont équipées de télévision… seule la qualité médiocre de la literie témoigne de la difficulté à s’approvisionner en certains biens de consommation.
Vue de notre salle de bain dans Centro Habana
Dans plusieurs maisons, les propriétaires ont même des écrans LSD, dont on se demande d’où ils arrivent et avec quel argent ils sont payés. Quand on demande, une des réponses que l’on obtient est en lien avec les Cubains vivant aux États-Unis. Ceux-ci font rentrer des sommes importantes aux pays, quand ce n’est pas le bien en lui-même.
Ah oui, car précisons-le d’emblée et tordons le cou à certaines idées reçues : les Cubains vivant aux États-Unis peuvent voyager à Cuba et les Cubains eux-mêmes peuvent se rendre aux États-Unis (pour cela, il faut « juste » avoir beaucoup d’argent et quelqu’un les accueillant sur place).
À peine descendus de l’avion et avant même de franchir les contrôles de passeport, nous avons été interpelés par une jeune femme aux collants de résille (dont les Cubaines raffolent), qui souhaitaient nous poser « quelques questions ». Dans un moment étrange d’ingénuité, je lui ai répondu sincèrement quand elle m’a demandé dans quel domaine je travaillais, « une agence éditoriale », et quelles études j’avais faites, « sciences politiques ». Oh l’erreur de débutant !!
Elle m’a aussitôt demandé de la suivre à l’écart pour un mini-interrogatoire en règle. « Que fait exactement votre agence ? Que publiez-vous ? Quels sont vos clients ? En quoi consistaient exactement vos études ? Avez-vous déjà travaillé dans une ONG ? »… Ambiance…
J’ai répondu de la façon la moins suspecte possible, en n’oubliant pas cette fois d’omettre et de maquiller certains faits, et je m’en suis sortie avec une simple « frayeur ».
Première impression : tout le monde n’est pas bienvenu à Cuba… Surtout si vous savez manier un stylo et que vous avez possiblement été exposé aux théories du capitalisme !