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Ventana abierta, open world - Page 53

  • Detours indiens - Impression IV

    Hindou moment

    Il faut venir dans les temples peu avant le tomber du soleil

    Regarder la vie battre son plein, les offrandes s'acquierent comme des petits pains,
    noix de coco, bananes, coliers de roses ou de jasmins,
    l'enceinte du temple n'echappe pas au commerce,
    vendeurs de saris, de bijoux, d'amulettes et de grigris,
    sont encore une fois de la partie

    Observer les touristes insouciants prenant la pose a chaque instant,
    Et tous les religieux, les fervents,
    Le touriste insouciant ayant cette capacite a devenir fervent,
    En une seconde, a l'approche des sanctuaires

    Inde royaume des rites

    Repondre 100 fois "Hello" aux passants du temple,
    tendre des mains a ceux qui vous la tendent,
    Se laisser photographier, a deux, a trois,  a 10
    (bientot, c'est toute une famille qui est autour !)

    Se faire aposer sur le front par un jeune Brahmane presque imberbe,
    un long trait de poudre rouge, accompagne de son souhait, son injonction !
    "Long life" (on y veillera)

    Sentir l'encens, s'en impregner

    Voir les hirondelles venir se nicher au creux de l'epaule de Vishnou,
    Siffloter a Parvati un air leger

    Marcher pieds nus sur la pierre chaude
    Un doux moment.


    Thanjavur, 10 aout 2011 - Trichy 11 aout 2011

  • Detours indiens - Impression III

    La nuit tombe sur Pondicherry,
    Torpeur dans les ruelles de la ville indienne.

    Les rickshaws jaunes continuent leur incessant ballet,
    Quelques ecoliers en uniforme regagnent tardivement leur quartier.

    Les exclamations fusent au milieu des klaxons
    Et j'entends sans en comprendre un seul mot
    (ce n'est pas la Pentecote tous les jours !)
    la melodie etrange de la langue tamoul qui se repand a chaque coin de rue.

    Quelques mendiants d'une maigreur effroyable se rapprochent,
    Me suivent quelques metres puis s'eloignent lentement.

    Partout des parfums d'epices embaument l'air.

    Sur les chantiersm des femmes travaillent, encore,
    Portant de lourdes briques sur leur tete, ou deplacant du sable a la pelle,
    Courbees, tellement courbees.

    D'autres reviennent de leurs emplettes dans leurs saris aux couleurs chatoyantes,
    C'est une explosion de jaune, d'orange, de carmin, de fuschia, de pourpre, de bleu turquoise, de vert profond...

    Dans le quartier musulman, vers Cazy street, soudain, on retrouve le calme,
    C'est bientot la rupture du jeune du Ramadan.

    Une fois le canal franchi, celui qui separe la ville "blanche" de la ville "indienne",
    Regne un silence presque absolu.

    Dans les rues Surcouf, Suffren, La Bourdonnais..., les belles demeures coloniales,
    Certaines tres decrepies, d'autres encore sublimes, accueillent la nuit comme le jour :
    Avec la nostalgie des jours passes.

    On croise cependant des touristes (combien de Francais ?!)
    Qui le soir venu investissent les restaurants de la ville blanche.

    Etrange Pondicherry, ton nom poetique
    (est-ce d'y avoir mis "cheri" dedans ? Ou d'y avoir mis un pont ?
    -entre l'Occident et ces mythiques Indes orientales-)
    Attire encore comme un aimant.

    Ce n'est qu'en atteignant l'avenue Goubert en bord de mer
    Que la foule fait de nouveau son apparition.

    A la tombee de la nuit, les habitants de "Pondy" viennent deambuler sur la digue,
    S'asseoir sur les rochers pour regarder la mer,
    Parler, rire et parler, jusqu'a en avoir la bouche seche,
    S'acheter encore quelques babioles ou de quoi grignoter,
    Dans l'une des innombrables roulottes qui s'etire
    Comme un mille pattes face a l'ocean.

    Dupleix, installe sur son socle a l'extremite sud de l'avenue,
    Regarde la scene sous sa perruque :
    Les temps changent !

     

    Pondicherry, 8 aout 2011

  • Detours indiens - Impression II

    The Road Raja, le roi de la route

    Le chauffeur de bus indien est un etre a part,
    sans aucun doute la reincarnation d'un dieu
    ou d'un ascete beni par Shiva,
    car visiblement il se sent dote de pouvoirs particuliers...
    C'est ce que nous experimentons sur la route de Mamallapuram a Pondicherry.

    Durant l'heure et demie que dure le trajet,
    le chauffeur nous fait une demonstration de ... son talent ?
    sa confiance inebranlable ? son arrogante folie ?
    Il fonce comme un derate, arme de sa tres redoutable arme :
    le kla-xon !
    Et ca buzze et ca trompette a tout bout de champ,
    injonction peremptoire qui signifie pour tout autre usager de la route
    - automobiliste, cycliste, pieton, chauffeur de rickshaw, motard -
    " Degage, je suis plus gros que toi et je passerai sans scrupule!"

    Le message est entendu car apres 80 kms de route, de slaloms invraisemblables,
    de tanguage severe, nous finissons par arriver a bon port...

    Le meilleur remede pour eviter les sueurs froides, nous le savons desormais, est de s'installer tranquillement dans son fauteuil regarder par la fenetre, a gauche, a droite, mais jamais en face...

    Laissons au Road Raja ce soin-la.

    Et puis il y a deja tant a observer entre nos deux "escales", le defile des palmiers et cocotiers, les couleurs fauves des flamboyants et bougainvilles (qui n'ont pour seules rivales serieuses que les pancartes vives d'Aircel, Airtel et parfois Vodafone, qui s'egrenent tout au long de la route, dans les plus petits hameaux. Operateurs telephoniques, nouveaux nababs), les petites cahutes des paysans pauvres avec leur toit en feuilles de palmiers, les villages ou l'activite commercante comme en ville ne s'arrete jamais (parlons sans hesiter de frenesie de consommation indienne ?), les chapelles, les temples baroques et barioles des Hindous, et puis aussi la nature pour depotoir (c'est a se demander si l'on peut trouver le long de la route 1 m2 sans dechets).

    La vie qui s'exprime au bord et sur la route contraste etrangement avec l'ambiance du bus ou presque tous les Indiens sont assoupis. Mon voisin, comme le chauffeur du bus, a une arme. Cette fois, non pas un truc qui fait un boucan du diable, mais une vraie... Il tient dans sa main gauche appuyee a la fenetre, sagement, une mitraillette. Precisons toutefois qu'il porte un uniforme, ce qui rassure sur ses intentions :-)

    Il y a aussi a l'avant du bus, au debut de la rangee, une jeune femme voilee de noir, recroquevillee par terre, a cote de ses paquets. Elle passe 1h30 dans cette position incomprehensible (a chaque arret, une ou deux places assises se liberent, mais elle ne les prend pas). Auto-ostracisme ?

    Et puis parfois lorsque le bus stoppe dans les villages montent des jeunes femmes qui ont attache dans leurs eblouissantes chevelures ebene des fleurs de jasmin. Elles laissent sur leur passage un doux parfum propice aux reves...


    Pondicherry, 8 aout 2011

  • Detours indiens - Impression I

    Viens donc sur mon escarpolette
    te balancer au gre des vents
    ou bien plutot au gre de tes pieds,
    la, l'impulsion, ca y est, maintenant,
    tu t'envoles, tu sens le vent, le contre-vent,
    tu te balances
    ...doucement...
    ou bien plutot tu flottes,
    il y a a peine de resistance
    tu le sens, bientot tu reves.

    Si ce n'etait l'enorme orage
    qui soudain eclate, on te te retrouverait la demain
    endormie,
    mais non, d'abord le palmier a commence
    a bruisser sechement,
    les feuilles qui se frottent insistantes.

    Puis le sifflement du vent s'est fait plus fort et alors sur ton escarpolette tu as senti le premier froid, des gouttes d'eau dans la nuit tropicale. Toujours flottant tu as vu des eclairs magnetiser le ciel avant que ne s'ecrasent des trombes, tourbillonnantes, les palmiers ne savent plus de quel cote pencher, plus loin la mer doit etre en emoi, et penses-tu a ces malheureux pecheurs qui tout a l'heure s'endormaient sur la plage au milieu des filets et bateaux, quel refuge auront-ils trouve ? Peut-etre une barque renversee.

    Tu t'es levee de l'escarpolette pour te pencher au balcon, il n'y a plus personne dans les rues de Mamallapuram, sauf la lumiere crue du reverbere d'ou l'eau jaillit comme une cascade. En bas, une porte s'ouvre, un parapluie s'offre a l'averse incessante.

    Mamallapuram, 6 aout 2011

     

  • Guerre (et paix ?)

    Quand j’étais à New York en décembre, je suis allée voir une belle expo organisée par l’International Center for Photography sur le thème "Dress Codes". En passant par la boutique, à la fin de l’expo (passage incontournable désormais…), je me décidais à acheter "On photography" l’essai-culte de Susan Sontag consacré à… la photographie, on l’aura compris ! Je trouvais en même temps un autre ouvrage plus récent du même auteur intitulé "Regarding the pain of others".

    Comme ma flemme est légendaire, je commençais naturellement par le plus court des deux, celui consacré au regard porté sur la souffrance des autres. Le thème de ce livre est la photographie de guerre, et même si j’ai eu un peu de mal avec la structure décousue de l’ouvrage, j’ai trouvé les analyses pénétrantes.

    Comment la photographie de guerre a-t-elle révolutionné la perception-même que l’on a de la guerre ? Quel est son rôle (dénonciation, propagande, "appel à la paix", "cri de revanche", outil de vente pour médias et lecteurs en quête de chocs, support de mémoire, support d’action) ? La photographie de guerre échappe-t-elle à l’esthétisme ? Est-elle purement objective (sacrée illusion, la photo objective) ? Que dit-elle de l’homme (celui qui prend la photo, celui qui la commandite, celui qui la regarde)?

    Sontag n’a pas écrit ce livre sur son simple savoir encyclopédique. Elle l’a aussi écrit, car elle a connu la guerre, une guerre toute proche et pourtant si lointaine. Elle a vécu dans Sarajevo assiégée. Ce qu’elle dit sur notre innocence, notre incrédulité face à l’image de guerre me semble particulièrement juste : "Someone who is perennially surprised that depravity exists, who continues to feel disillusionned (even incredulous) when confronted with evidence of what humans are capable of inflicting in the way of gruesome, hands-on cruelties upon other humans, has not reached moral or psychological adulthood. No one after a certain age has the right to this kind of innocence, of superficiality, to his degree of ignorance or amnesia. […] The images say: This is what human beings are capable of doing – may volunteer to do, enthusiastically, self-righteously. Don’t forget."

    Il se trouve que la Fondation Agnès b. présente à Paris en ce moment-même une expo intitulée  "Notre histoire" (Bosnie –Herzégovine 1992-1995), consacrée à cette guerre européenne à l’orée du XXe siècle. Je ne pouvais pas ne pas y aller.

    rondeau -siège de sarajevo.jpgLes photos de Gérard Rondeau m’ont paru extraordinaires : Sarajevo est peuplée de fantômes, le ciel est noir, bas, il fait froid, dans des ruines éventrées, un homme semble regarder son monde écroulé. La guerre n’est pas exposée ici dans sa crudité violente, pas de sang, pas de cadavres; juste la couleur de l’univers après.

    Et puis chez d’autres, il y a cette réalité de l’affrontement et du meurtre quotidien : des snipers dans des chambres désertées (James Nachtwey), des corps ensanglantés sur la route abandonnés à leur sort (Patrick Chauvel), et les très symboliques icônes brisées ou fusillées (Tito : ton empire est devenu enfer…).

    Le témoignage est essentiel, et il faut toujours espérer qu’il fasse changer les choses.

    Et comme décidément, il y a parfois des périodes de vie où les sujets vous prennent d’assaut, j’étais tranquillement en train de choisir un livre pour une amie il y a peu dans une librairie de Bastille, lorsque mon regard était attiré par un titre plaisant "Paysage avec palmiers". Le libraire, un de ces libraires que j’aime, complètement passionné par ses livres, s’approche de moi, et me dis que je tiens un chef d’œuvre dans mes mains. Comme cela parle de guerre et que le sujet n’est pas forcément adapté pour un cadeau à une amie, je le prends pour moi.

    Ce "récit" signé Bernard Wallet me cloue par sa puissance poétique et l’extrême violence qu’il incarne : la guerre au Liban, une boucherie sans nom, la dignité de l’être humain envolée en fumée, longtemps après avoir refermé le livre, des images restent de l’horreur, "ce que l’être humain est capable de faire, parfois en se portant volontaire, avec enthousiasme et auto-satisfaction". Comme le dit Sontag "don’t forget".

    La question est : quel moyen d’agir ? à suivre…