Une prise de notes sur l'ouvrage de Susan Sontag
Regarding the pain of others, Picador, New York, édition 2003
Photographie de guerre et représentation de la réalité ; Photographie et objectivité.
« When there are photographs, a war becomes real » (p 104).
« The same antiwar photograph may be read as showing pathos, or heroism, admirable heroism, in an unavoidable struggle that can be concluded only by victory or by defeat. The photographer’s intention do not determine the meaning of the photograph”. (p. 38-39)
« To photograph is to frame, and to frame is to exclude » (p 46)
Si l’on observe les photos de guerre du 19e, on constate qu’un certain nombre sont en fait travaillés. « To photograph was to compose (with living subjects, to pose) and the desire to arrange elements in the picture did not vanish because the subject was immobilized or immobile » (p 53). Il y a là un héritage direct de la tradition picturale. Photographier, tout comme peindre, c’est aussi embellir.
« Not surprisingly, many of the canonical images of early war turn out to have been staged » (p 53)
Parmi ces photos "canoniques" qui sont en fait des mises en scène et non des photos prises sur le vif :
* The raising of an American flag on Iwo Jima on feb 23, 1945, (is a “reconstruction”), Joe Rosenthal
-
* Russian soldiers hoisting the red flag atop the Reichstag (staged for camera), Yevgeny Khaldei
« Photographs objectify : they turn an event or person into something that can be possessed” (p 81)
A quoi sert la photographie de guerre ? Quel type de réactions, quel type de réponses suscite-t-elle ?
La photo de guerre bien souvent choque, émeut, bouleverse : elle intervient de manière évidente dans la prise de conscience du public. Déjà chez Goya, le dessin avait une portée militante avec une volonté marquée de choquer par sa violence : “The goulish cruelties in The disaster of war are meant to awaken, shock, wound the viewer” (p 44)
Elle peut ainsi se révéler un véritable manifeste pacifiste. Par sa dureté et les violences affichées, elle dégoûte de toute guerre (voir par ex. Ernst Friedrich Krieg dem Kriege !)
Pourtant l’on se rend compte que de tels „manifestes“ ont toujours échoué à mettre fin de manière définitive à la violence d’Etat. Malgré le terrible réquisitoire photographique de Friedrich après 14-18, il fallut à peine plus de 20 ans pour que des hostilités tout aussi terribles reprennent cours.
Et en effet, la photo de guerre peut aussi être un moyen de justifier la guerre, lorsqu’elle est utilisée par l’une des parties visant à accuser l’autre de crimes atroces, et à rendre l’intervention, la réparation, nécessaires. Ainsi, dans la photo de guerre, la légende est essentielle : qui est tué ? et par qui ?
La photo de guerre se retrouve alors un véritable outil de propagande.
« Photographs of an atrocity may give rise to opposing responses. A call for peace. A cry for revenge. Or simply the bemused awareness, continually restocked by photographic information, that terrible things happen”. (p.13)
Un autre des aspects devenu non négligeable dans la 2e moitié du XXe s de l’utilisation ou du rôle de la photo de guerre est son emploi médiatique : la photo de guerre comme outil de vente (presse magazine, notamment : le choc des photos … ).“If it bleads, it leads”. Il y a une sorte de soif d’images violentes de la part du “spectateur/ lecteur”.
« The more dramatic images drives the photographic enterprise, and is part of the normality of a culture in which shock has become a leading stimulus of consumption and source of value ». (p 23)
« It seems that the appetite for pictures showing bodies in pain is as keen, almost, as the desire for ones that show naked bodies” (p41). Il y a ici une forme de voyeurisme teinté de sado-masochisme passif. Peut-on aller jusqu’à parler de l’érotique de la violence ? « Plato appears to take for granted that we also have an appetite for sights of degradation and pain and mutilation » (p 97
Mais la photographie provoque également une forme de catharsis : on regarde la douleur de l’autre, en se satisfaisant du fait qu’elle ne soit pas la sienne. Du coup, on observe au plus près ce malheur terrible qui par chance ne nous arrive pas.
Les risques de l’hyper-saturation
La photographie de guerre a une histoire récente (premières photos de guerre : 2e moitié du 19e, avec notamment les photos de la guerre de Sécession). Si durant la première moitié du 20e, elle se développe (1ère guerre mondiale, guerre d’Espagne…), ce n’est véritablement qu’à partir de la seconde guerre mondiale, du développement de la presse magazine et de la photo couleur, qu’elle se diffuse à plus large échelle.
Les clichés de guerre deviennent bientôt habituels, phénomène naturellement amplifiés par le développement de la société de l’image, où télé, films, jeux vidéos et aujourd’hui internet (Sontag n’en parle pas dans son ouvrage) véhiculent sans cesse de la violence .
Face à l’hypersaturation d’images violentes, ne devient-on pas indifférent ? La guerre ne se transforme-t-elle pas en spectacle ?
Sontag s’interroge au moment où elle écrit : « What is the evidence that photographs have a diminishing impact, that our culture of spectatorship neutralizes the moral force of photographs of atrocities ? » (p 105)
La réaffirmation de la photo de guerre comme témoignage implacable de l’horreur, comme support de pensée (pour l’action) et non comme simple support de mémoire
“The images say: This is what human beings are capable of doing – may volunteer to do, enthusiastically, self-righteouslys. Don’t forget.” (p 115)
“Perhaps too much value is assigned to memory not enough to thinking”. (p 115)
“But history gives contradictory signals about the value of remembering in the much longer span of a collective history. There is simply too much injustice in the world. And too much remembering (of ancient grievances: Serbs, Irish) embitters.” (p 115)
Le réalisme (fin de l’innocence) comme pensée adulte indispensable
« Someone who is perennially surprised that depravity exists, who continues to feel disillusionned (even incredulous) when confronted with evidence of what humans are capable of inflicting in the way of gruesome, hands-on cruelties upon other humans, has not reached moral or psychological adulthood. No one after a certain age has the right to this kind of innocence, of superficiality, to his degree of ignorance or amnesia” (p 114).