J'ai battu mon record la nuit derniere... 18h de bus pour aller de Mendoza a Bariloche...
Et une sublime "recompense" au cours des 4 dernieres heures. La route de Neuquen a Bariloche est sans aucun doute la plus belle route que j'aie jamais empruntee (jusqu'ici!). Pas une ombre d'homme, des rochers aigus, tranchants, un environnement rude, tres sec, mais d'une vraie beaute sauvage, des lacs d'un bleu plus roi que le manteau de ceremonie de Louis XIV, quelques sapins qui viennent colorer les flancs de montagne, les rives de lacs, et toujours au loin ces Andes blanches gracieuses scrutatrices des camaieux d'ocre, rouge, brun, vert clair, vert fonce, indigo, ces formes etranges dont on se demande qui les a taillees. Ma langue s'y perd et je pense a tous ceux qui partent trop tôt...
(je ne suis pas sure que mes photos rendent justice a ces paysages somptueux, mais bon...)
Ventana abierta, open world - Page 60
-
Ne plus savoir où planter ses yeux
A Bariloche, sur les rives du lac, avec Ilan, un ami rencontre a Mendoza
-
Mendoza, c'est donc autre chose qu'un commandant dans les Cites d'Or ? ;-)
Apres 3 jours passes dans la ville eponyme, je suis en mesure de vous dire que Mendoza, c'est avant tout des vignobles et des Bodegas sur des dizaines et des dizaines de kilometres (des degustations donc!), et puis c'est aussi la porte des Andes, lointaines et proches orgueilleuses. Une bonne vieille fete arrosee a la tequila me laisse quelques traces de fatigue, mais je m'en vais quand meme faire une petite chevauchee en terrain arride, attentive aux cactus et au trot de mon bidet. Et quand Zonda vient a souffler, mes cheveux decoiffes, la pression qui enhavit le crane, j'ai comme l'impression que c'est le moment de se reposer.
**Si ce n'est pas a gauche, c'est a droite
Si ce n'est pas dessous, c'est dessus
Si ce n'est pas une casserole, c'est une etoile -
Valentino ou la vie sauvage
C'est le propre du voyage. Des rencontres et des instants venus d'ailleurs...Lundi dernier quand j'ai fait la connaissance de Flor, elle m'a tout de suite propose d'aller faire une excursion le mercredi quelque part en montagne avec l'un de ses amis. Mon espagnol n'etant pas encore tout a fait au point, je n'ai pas compris tous les tenants et aboutissants de l'histoire, j'ai juste dit oui en precisant a Flor que j'avais un bus a 21h pour Mendoza le mercredi soir.
Mercredi matin, nous voila donc fin pretes a 8h pour aller rejoindre l'ami en question, dont je comprends en chemin que Flor l'a rencontre le lundi dans la journee! Il participait egalement aux rencontres de musique contemporaine: c'est un contrebassiste. Nous le retrouvons devant la Fac de langues tout de rouge vetu, pantalon en velours et pull en laine d'alpaga. Il a avec lui un grand panier en palmes tressees et un drole d'instrument de musique qui ressemble vaguement a un banjo. J'avais compris qu'il nous emmenait en voiture mais comme il est equipe d'un velo, je me dis que j'ai du m'egarer dans la comprehension... Nous allons en fait au terminal de bus ou Valentino, c'est son nom, laisse sa bicyclette. Nous prenons ensuite un "collectivo" direction le Cerro Colorado, a 3h au nord de Cordoba. C'est le debut de l'aventure...
Apres 3h, le bus nous laisse au bord d'une route, autant dire que je ne cherche pas trop a comprendre et suis le mouvement general! Le Cerro Colorado est une montagne rose, un site naturel protege, situe a 11km de la. Ainsi l'auto-stop s'impose et par chance un paysan bientot nous embarque dans son pick-up.En chemin, Valentino nous explique qu'il a vecu la pendant 6 mois a fabriquer des instruments de musique du type de celui qu'il promene avec lui. Il s'agit d'un instrument d'origine malienne, constitue d'une callebasse, d'un long manche et de plusieurs cordes; en resume c'est une sorte de harpe. Valentino n'arrete pas d'en jouer, dans le bus, en marchant, dans le pick-up, l'instrument produit un tres beau son melancolique. Je m'imagine mal vivre ici au bout d'une route du bout du monde, meme si l'environnement parait propice a l'inspiration.
Lorsque nous arrivons au petit village au pied du Cerro, il est deja 13h et je commence a me dire que mon depart a 21h pour Mendoza est un peu compromis. Nous pique-niquons sur des rochers au bord d'un petit ruisseau. Valentino va nous cueillir de la roquette sauvage et nous donne le nom de tous les arbres et oiseaux alentour. La connaissance exacte de la flore et la faune n'a de cesse de m'epater. Quand nous partons a l'assaut de la montagne rose, il est deja 15h. C'est une chouette ascension assez sportive, car ce ne sont que des rochers parfois assez lisses, sur lesquels il faut trouver des prises. Quand nous parvenons au sommet, nous avons une vue degagee sur des kilometres et des kilometres et la compagnie des aigles qui tournoient.
Comme c'est vraiment beau et calme, je laisse le temps passer. Cela fait 8 mois qu'il n'a pas plu ici, tout est sec mais plusieurs petits ruisseaux donnent au village un aspect d'oasis. En bas au pied de la montagne, il y a le musee Atahualpa Yupanqui, un tres celebre guitariste argentin qui au debut des annees 50 donna des concerts avec Edith Piaf (inutile de preciser que je n'en savais rien).
Nous redescendons tranquillement, j'ai renonce a rentrer a Cordoba. Au village, nous faisons la connaissance de Carlos Chaulot, qui nous fait decouvrir des peintures rupestres certaines vieilles de milliers d'annees, d'autres datant de la colonisation espagnole (apparition du cheval). Le grand-pere de Carlos etait alsacien; quand je lui dis que je suis francaise, il est enchante. Nous parlons de la France qu'il ne connait pas et il me donne avant notre depart la copie d'un article ecrit par son grand-pere en 1977 sur l'influence Viking en Amerique.
Commence ensuite l'epopee. J'avais compris que nous dormirions dans le ranch d'un ami de Valentino. En fait, nous allons dormir dans le ranch ou il a vecu 6 mois. C'est a plus de 6 kilometres du village; il faut prendre un chemin de montagne. Quand nous partons du village, le soleil est sur le point de tomber. Les montagnes sont toutes dorees, le spectacle est magnifique. Par contre, la route est pentue, et nous sommes assez charges, j'aide Flor a porter un de ses sacs, etant donne que de mon cote, je n'ai pas l'ombre d'un surpoids en matiere de bagage! Tres rapidement, il n'y a plus que l'eclat de la lune pour nous eclairer. Quel silence ! A une ou deux reprises, nous entendons l'aboiement d'un chien d'un ranch eloigne. Au bout d'1h30 enfin, nous franchissons une cloture et sommes accueillis par un troupeau de vaches, qui de maniere evidente s'attendent a ce qu'on leur donne a manger. Valentino nous explique que compte-tenu de la secheresse, elles sont assez affamees. D'ailleurs, elles commencent a nous poursuivre. Imaginez... un champ, la nuit, la lune, un paysage mineral, quelques palmiers se decoupent, un troupeau de vaches vous pourchasse...Valentino reussit tant bien que mal a les ecarter et enfin nous distinguons la silhouette d'une maisonnette! Pour moi, un ranch c'etait une grande propriete, mais un rancho n'a rien a voir! C'est juste la cabane du berger. La clef est toujours la, dans un recoin en hauteur. Bien sur, ni electricite, ni eau courante. Nous nous installons et Valentino prend tout en charge, il va chercher le bois pour allumer le poele, l'eau au puits et la bouilloire pour preparer notre soupe. Nous avons quelques bougies qui nous eclairent une heure ou deux. Tres vite, l'epuisement s'abat sur nous comme le condor sur l'animal mort!! Flor et moi partageons un petit matelas pose a meme le sol, nous avons laisse le lit a Valentino.
Le matin, quand Flor et moi ouvrons les yeux vers 7h30, Valentino est deja en train de s'occuper du feu dehors pour preparer le petit-dejeuner. Il fait un temps radieux. Les vaches sont toujours au rendez-vous, elles encerclent le rancho et nous regardent avec leurs jolis yeux ronds, decidement tres intriguees par ces etrangers. Tandis que nous allons chercher un peu plus de bois pour alimenter le feu, Valentino decoupe des figues sechees, une ou deux pommes et rajoute des baies du cru a du lait et des cereales. Nous faisons bouillir l'eau du puits pour le cafe. Nous allons ensuite en balade. Le rancho s'appelle l'Aguita car il est situe a cote d'une source. Un ruisseau baigne de gros rochers s'ecoule non loin de la, quand il vivait la, Valentino s'y baignait tous les jours, honnetement cet endroit ressemble a une sorte de paradis perdu.
Au retour, nous pensons deja a dejeuner... comme il a l'air de faire ca a merveille nous laissons cette tache a l'homme du ranch! Au final, nous avons droit a un succulent riz assaisonne d'epices du petit jardin derriere le rancho, et une sorte de courge grillee sur le feu.
Vers 14h, il est temps de reprendre la route. Une derniere marche (en plein cagnard), un dernier regard sur le Cerro Colorado, un dernier auto-stop. 3 heures plus tard, nous sommes a Cordoba et nous disons adieu autour d'une biere et d'un lomo dans un petit resto typique, la Vieja Esquina.Imprevu, inoubliable.
Quelles belles rencontres! Merci a Flor et Valentino. -
Un petit tour a Cordoba
J'ai quitte dimanche soir un Buenos Aires pluvieux apres une nuit de samedi d'une certaine brievete.
J'ai passe la soiree entiere a feter le printemps a l'hostel, a parler francais avec un Espagnol, allemand avec des Suisses et des Allemands, espagnol avec des Americaines et des Argentins, a boire des Quilmes, des Cubra Libre et du whisky, et danser jusqu'a s'epuiser, jusqu'a regarder sa montre et se dire "mais comment peut-il etre 7h?".En me reveillant a 12h, les idees pas tres claires, il fallait encore que je range rapidement mon sac, que je traverse le patio tout collant couvert de cadavres de bouteilles et de verres renverses pour aller prendre ma douche dans une salle de bain victime de la nuit et que je sois prete a 13h. Palermo par un temps d'automne, rien de plus plaisant que trainer de cafe en cafe. Cafe + medialuna, puis submarino + cheesecake, avec Manuel et plus tard cafe + scones avec Diana. Hacer nada, disfrutar la lluvia...
A 21h, j'ai pris le bus a Retiro, le terminal de bus (je pourrais ecrire des lignes et des lignes sur ce lieu grouillant la journee ou se bousculent les marchands ambulants, les voyageurs de tous horizons, les vendeurs d'empanadas ou de saucisses sur parilla, et bien sur aussi quelques autres gens moins bien intentionnes). Direction: Cordoba au Nord-Ouest, la 2e ville du pays.A 8h du matin, nous avions atteint la destination. Soleil. Froid. Je suis allee a pied au Cordoba Backpackers en me dirigeant plutot correctement dans la ville (a tous les "medisants": je suis en train de developper un sens de l'orientation sans pareil ;-) !!)
Le centre ville regorge d'eglises et de gens en prieres. Que ce soit a la Cathedrale, a Nuestra Siñora del Milagro, ou a Nuestra Señora de la Merced, je suis surprise par la ferveur des croyants. Devant presque toutes les chapelles dediees a des saints, des personnes debout ou a genoux prient ou parfois viennent seulement effleurer une statue ou sa cloche de verre, avant de se signer. A plusieurs reprises, je vois des fideles s'arreter devant des statues du Christ "en douleur" et fixer son visage souffrant quelques minutes avant de repartir. On dirait quíls cherchent a le consoler... Il y a une sincerite extremement touchante dans leur attitude.
Dans l'apres-midi, je fais la connaissance de Flor, une pianiste argentine de 24 ans qui partage ma chambre, nous allons ensemble a un concert de musique electronique, completement surprenant. Le soir, apres "L'effet Papillon", je discute avec Manuel, un Peruvien, qui partage aussi ma chambre, et je sombre bientot dans le sommeil. -
Le temps des revelations
* Gotan project: qui avait realise (savait?) que gotan n'etait rien d'autre que le verlan pour tango ? Et qu'en fait Federico s'appelait Garcia Calor ? (ce dernier point relevant de la supposition fantaisiste voire hasardeuse ;-)
* Est-ce possible de ne pas aimer le tango? Vu hier un couple si sensuel, des jambes qui se demelent et s'emmelent, des corps orgueilleux au sommet de leur art. Invitation a un certain voyage. Tout ce que disent les corps et qu'on ne peut ecrire.
* L´homme argentin dans son tailleur sur mesure et ses chaussures italiennes est donc un danseur de tango. Je parle d'une figure.
* La cucaracha, la cucaracha, lalalala: alors que je pensais que cette chanson evoquait une fete arrosee entre amis au son du bandoneon, voila que j’apprends que cela parle en fait d’un cafard! Quel charmant sujet :-)
* Trouver la cathedrale sur la Plaza de Mayo est un casse-tete chinois. Enfin disons que c'est difficile lorsque l'on s'attend a un imposant edifice baroque et que la cathedrale en question se revele etre une "batisse" a la sobriete etonnante, assise a un coin de rue, comme intimidee par la presence trop proche de la grosse Maison Rose ou travaille Madame Kirchner.
* A l'interieur de la cathedrale, il y a le tombeau du General San Martin, heros de l'Independance (argentine, mais aussi chilienne et peruvienne; il aimait briser les chaines espagnoles). Pour une raison qui m’est encore inconnue, il est mort a Boulogne sur Mer (en cure thermale?). La chapelle ou repose le corps est gardee par deux magnifiques gardes a plume. Silencieux et immobiles comme il se doit dans la penombre.
* A cause de la crise du debut des annees 2000, les Argentins n’ont plus aucune confiance en leurs banques. Alejandro notre professeur d’espagnol ne place aucune economie entre les mains des voleurs...
* Il y a dans l'air toutes les possibilites. Tout est illumine (et je ne dis pas ca seulement parce que Diana, l'Americaine qui suit les cours d'espagnol avec moi, de pere ukrainien et de mere ouzbeke, tous deux juifs exiles a Detroit, me fait tellement penser au chef d'oeuvre de Safran Foer). Ce doit etre normal dans une agglomeration de 13 millions d'habitants, soit le tiers des Argentins ! La ville souffle, respire, s'etale, s'eclaire, s'enivre, il y a quelque chose comme une euphorie.