Aujourd’hui, je suis partie faire l’ascension de l’Uritorco, près de 2000 mètres d’altitude (c’est pas rien, surtout pour une tuberculeuse !). Lever à 7h, un « remis » (taxi privé) m’attendait pour m’amener au pied de la montagne. Le cerro Uritorco a cette affreuse particularité, tant argentine, d’être une montagne privée… dont l’entrée, qui ne se fait pas avant 8h du matin, coute la bagatelle de 130 pesos (soit 40 croissants, pour vous donner une idée !). Un scandale, mais j’en parle dans les Chroniques de Buenos Aires.
Ça valait le coup de se lever un peu tôt, je fais les deux premières heures d’ascension à l’ombre, et quand on sait que le soleil une fois au zénith chauffe à 34 degrés, autant dire que la « fraicheur matinale » se fait apprécier.
Je monte a rythme très lent, tousse sans cesse, suis sur le point de me décoller la plèvre à plusieurs reprises, mais persiste… tout ça, parce que je suis une vraie chèvre. Le Cerro Uritorco est un immense massif granitique. L’ascension se fait dans la rocaille, juste ce que j’aime. Choisir ses appuis, s’ancrer dans le sol et impulser. De roche en roche. On m’avait dit de prendre un bâton, mais c’est inutile ; j’en ai deux très fiables et ils sont vissés à mes hanches. Je ne remercierai jamais assez mes jambes ni mes pieds de me porter avec autant de sacrifice et de dévouement. On n’admire pas suffisamment l’incroyable dextérité de la race caprine…
Et puis je suis fascinée par ces énormes blocs de granit rose, qui racontent l’histoire de la terre, qui ont vu passer tant d’Indiens avant les Espagnols et qui portent en eux des légendes, des combats, des traversées, des initiations, des rituels, des dieux vénérés. Quand je serai poussière, j’aimerais être du granit rose.
J’en rapporterai au final plus d’un kilo dans mon sac a dos (c’est mal, mais c’est déjà ça de pris sur les Anchorena !).
La flore est riche et variée, des odeurs de buis arrivent à passer la tranchée encombrée de mon nez, des oiseaux chantent partout et je croise même un colibri. Après plus de trois heures de marche et des visions étranges comme ces champs de cheveux blonds, balancés au gré des vents, j’arrive au sommet. Ce n’est pas que ce soit spectaculaire, bien que la vue sur la sierra soit intéressante, mais la seule atteinte du sommet sonne comme un miracle. Merci jambes, pieds (et aussi un peu, volonté).
Tout là-haut, le vent souffle en rafale. Des bourrasques à faire tomber d’un rocher. D’autres condors tourbillonnent, et certains randonneurs s’assoient pour méditer. Je reste une heure à contempler la vue, reposer mes poumons et sauter encore un peu de rocher de cime en rocher de cime.
Le retour se fait sous un cagnard « tremendo ». Je bois sans cesse, me couvre de crème. Et croise beaucoup d’inconscients en pleine ascension. Lorsque je rentre enfin à l’hotel, il est 14h. Je vais faire quelques longueurs dans la piscine de mosaïque verte pour détendre mes jambes, puis je vais enfin m’octroyer un déjeuner bien mérité. Il est déjà 18h !