J’aimerais vous parler de Salaï. Sûrement le bruit qui court aura déjà atteint vos oreilles. Lorsque je l’ai vu la première fois, mes yeux ont vite cligné, comme si sa beauté angélique m’empêchait de le fixer. Il me regardait muet, debout à côté de son père, et je savais qu’il serait bientôt mon disciple. Je voulais tout lui apprendre : le choix des pigments, le trait du pinceau, l’expression saisie… Je voulais tout lui donner et qu’en retour il me donne tout, que sa beauté s’invite à la table des muses, qu’il soit toujours près de moi, mon inspiration en chair et en os. Salaï, tendre Salaï, je poserai ton visage sur une œuvre impérissable, au cœur de ma toile, tu souriras à peine, tu seras une énigme. Lentement très lentement je te peindrai, peu importe les infidélités à ton image car au final, la toile, bien sûr aura ta sublime perfection, non que je veuille me vanter d’un quelconque génie, mais une muse à toi pareille comment saurait-elle égarer le peintre ébahi.
Salaï, doux Salaï, on te chérira sans doute comme je t’ai chéri.
Confession de Léonard de Vinci (1452-1519)
Salaï fut l’amant de Léonard de Vinci qui reprit ses traits pour son Saint Jean-Baptiste, et selon certains, pour Mona Lisa.
Planche extraite de la BD Léonard & Salaï, de Lacombe et Echegoyen (2014)